Table des matières
L'accompagnement des conflits à TERA
Un des postulats de l'association est que les conflits existent et sont source d’évolution constructive.
Collectivement, nous cherchons à prévenir les conflits douloureux, et à détecter rapidement et discuter les tensions et désaccords qui se manifestent:
- Chacun veille à être à l'écoute de ses propres tensions, à pratiquer l'introspection et à discuter de ce qui lui pose problème avec les personnes concernées.
- Des pratiques telles que la communication non violente, les cercles de la paix, l'écoute active permettent au quotidien de faciliter la compréhension mutuelle et de nourrir les relations
- Les gardiens de la paix peuvent être sollicités, écouter les personnes en tension et chercher avec elles des pistes de résolutions
- Lorsque des tensions surviennent en réunion, les guetteurs d'ambiance proposent des reformulations et des moments de recentrage
- Des initiations à la CNV sont proposées, et nous souhaitons mettre en place des cercles de pratique autogérés.
Lorsqu'un conflit ne peut être résolu par ces moyens, un processus de cercle restauratif est initié. Il est détaillé ci-dessous.
La résolution d'un conflit est célébré, en particulier dans le cas d'un cercle restauratif, mais pas seulement.
Cette petite vidéo de décembre 2018 présente notre fonctionnement de l'époque, en termes de gouvernance, cohésion et gestion des conflits.
Précision juillet 2020: Avec les développements du projets ces derniers mois (augmentation de la taille du collectif, étalement géographique), les pratiques présentées ici sont de moins en moins utilisées. Cette situation questionnent certains d'entre nous sur un besoin de “rafraichissement/renouvellement” de celles-ci, et sur les risques encourus pour la cohésion du collectif si nous ne faisons rien. Chantier à venir !
La présentation des cercles restauratifs reste d'actualité pour comprendre de quoi il s'agit.
Cercles restauratifs
I. De quoi s'agit-il ?
Plus qu’une méthode de gestion des conflits, c’est un système de justice restaurative développé par Dominic Barter avec les habitants de favelas de Rio de Janeiro. Une image de Dominic Barter résume bien leur principe: lorsqu’on construit une maison, on sait qu’on va avoir faim et on installe une cuisine. Lorsqu’on construit un groupe, on sait qu’on va traverser des conflits et on met en place un espace et un processus pour les accompagner le moment venu : réunir les protagonistes et toutes les personnes du groupe affectées par ce conflit, parler de ce qui s’est mal passé, permettre l’empathie, prendre des décisions pour améliorer la situation, et ainsi restaurer les relations et la communauté dans son ensemble.
Rq : le terme « communauté » est employé par Dominic Barter dans le sens de groupe de personnes partageant un lieu, un projet, des ressources, etc…
Concrètement, ce système restauratif comporte plusieurs étapes:
- un déclencheur (la façon de déclencher le processus) qui soit explicite et accessible à tous. Chaque membre de la communauté a la possibilité d’initier un cercle en appuyant sur ce « bouton ».
- des avant-cercles : préparation du cercle lui-même, grâce à des entretiens individuels ou en petits groupes du facilitateur avec les protagonistes. Le but est d’identifier les personnes qui participeront au cercle (Un conflit a 3 acteurs : les deux personnes en conflit, et la communauté. Il est donc important d’inclure dans le cercle toutes les personnes concernées), et l’acte qui constitue la porte d’entrée dans le conflit (Un élément concret plutôt que des reproches généraux).
- Le cercle repose sur des échanges entre les participants, et des reformulations permettant de vérifier que les messages que l’un veut faire passer à l’autre parviennent bien à destination. Cette pratique facilite l’empathie et la compréhension mutuelle. Des décisions sont prises à la fin du cercle. Enfin, il est important de « célébrer » en soulignant ce qui s’est bien, ou mal, passé pendant le cercle. Un lieu dédié peut être identifié pour cela, ou bien un élément du décor qui rappelle qu’on est dans l’espace du conflit.
- Les après-cercles : pour suivre le devenir des participants et des décisions
Le processus est animé par un facilitateur qui fait partie de la communauté, plutôt que par un médiateur externe : cela renforce l’autonomie de la communauté à accompagner ses propres conflits. Le facilitateur a besoin de soutien pendant le processus, et en particulier d’un avant-cercle pour lui-même, avec quelqu’un qui l’écoute. Cela lui permet d’être entièrement disponible pendant la facilitation, sans y mêler ses propres récriminations ou doutes sur lui-même.
Ce n’est pas un processus clé en main : chaque communauté est invité à construire elle-même le processus par lequel elle souhaite gérer ses conflits. Le processus doit être décidé en amont, pour pouvoir être appliqué sans rediscussion lorsqu’un conflit survient. Il est important que tous les membres de la communauté soient avertis et acceptent ce système.
Sur http://www.cerclesrestauratifs.org/, beaucoup d’informations et de vidéos viennent compléter cette présentation rapide. Plus récente, une vidéo de présentation des cercles restauratifs par Julien Berlusconi, un de nos formateurs en la matière.Et enfin, une présentation plus longue une présentation plus longue, accompagnée du retour d'expérience de deux collectifs, dont Tera.
II. Le Protocole détaillé
Cette partie présente les grandes étapes du processus, que chacun a besoin de connaître pour s'y engager. En troisième partie se trouvent des explications détaillées des différentes étapes à l'usage des facilitateurs.
Le processus peut-être abrégé si l’initiateur, en discutant avec le facilitateur, juge qu’il n’est pas nécessaire d’aller plus loin.
L’ensemble des échanges est confidentiel, sauf décision explicite des participants à la fin du cercle.
Ce protocole est évalué et ajusté tous les 6 mois
1. Les facilitateurs
Les facilitateurs doivent être validés par les permanents.
Les personnes qui souhaitent devenir facilitateurs en font part et seront invités aux cercles comme co-facilitateurs jusqu'à ce qu'elles se sentent capables de conduire le processus et demandent à être validées comme facilitateurs.
En projet: organiser des rencontres entre facilitateurs pour partager notre expérience sur les processus, le faire évoluer, organiser des ateliers de présentation et de familiarisation avec le dispositif.
Facilitateurs
- Grégor Alécian
- Jules Gensollen
- Marie-Hélène Muller
- Olivier Périé
2. Le déclenchement
Deux possibilités:
- l'initiateur contacte directement un facilitateur
- l'initiateur envoie un message privé au groupe “facilitateurs” sur le forum (à mettre en place)
L'initiateur peur choisir le facilitateur. Autre possibilité: on constitue une liste ordonnée. La personne en tête de liste est choisie, sauf objection de l'initiateur, puis est déplacée en fin de liste.
3. Les avant-cercles
Avec qui :
- Le facilitateur rencontre l’initiateur. Celui-ci lui indique les personnes dont la présence est selon lui nécessaire.
- Le facilitateur rencontre les personnes citées, celles-ci peuvent lui indiquer d’autres personnes.
- Au final, le facilitateur rencontre toutes les personnes invitées au cercle, individuellement ou en petit groupe.
- Le facilitateur réalise lui aussi un avant-cercle avec un autre facilitateur ou une personne de son choix
Pourquoi :
- Identifier les facteurs clés du conflit et en particulier un acte : une parole ou une action qui a été décisive. Il constitue la porte d’entrée dans le conflit.
- Permettre aux personnes d’être entendues sur ce qu’elles ont vécu et ressenti
- Identifier les personnes qu'il est nécessaire d'inviter pour soutenir la résolution du conflit
- Le facilitateur est en position d’écoute empathique. Il n’est pas là pour transmettre des informations de la part des autres participants.
- Le facilitateur bénéficie d’un avant-cercle pour pouvoir recevoir le soutien dont il a besoin pour faciliter le cercle : il exprime les idées fixes qu’il a sur lui, les participants et le conflit, et qui lui rendent la facilitation difficile
4. Le Cercle
Il se tient dans un lieu préparé par le facilitateur. Il débute par un tour météo permettant à chacun d’exprimer comment il se sent
Il comporte ensuite trois phases :
- compréhension mutuelle : chaque personne exprime ce qu’elle vit en relation avec l’acte
- auto-responsabilisation : chaque personne exprime ce qui l’a amenée à agir comme elle l’a fait
- plan d’action : décision d’actions réparatrices (sur le plan matériel) et/ou restauratrices (de la relation), avec un échéancier. Fixation de la date de l’après-cercle. “Le processus se termine lorsque des actions apportant des bénéfices mutuels ont été trouvées.”
Le cercle s'achève par un tour de clôture où chacun exprime la façon dont il a vécu le cercle et ce que cela a changé pour lui.
Une célébration suit le cercle. Elle a été choisie en avance par l’initiateur du cercle.
5. L'Après-cercle
Sa date est fixée à l’issue du cercle.
Son objectif est de faire le point sur les actions engagées et sur ce qui s’est passé depuis le cercle.
III. Approfondissement-guide pour la facilitation
Il ne s’agit pas d’une présentation exhaustive du processus, mais d’un complément, issu de notre expérience, aux autres documents:
- Un Document assez complet distribué par Dominic Barter lors de sa formation et présentant notamment dans les détails les différentes questions/phrases à prononcer par le facilitateur lors des différentes étapes. Dans la phase d'apprentissage, il est important de respecter ou au moins de s'inspirer très fortement de ces phrases.
- Un aide-mémoire visuel avec les principales étapes et questions à poser (il y a des exemplaires papier)
1. Avant-cercles
Questions: “Que s'est-il passé” “Quel sens cela a-t-il pour toi?” “Qu'est-ce qui a été dit ou fait qui t'amène dans ce Cercle Restauratif ? ”
Le facilitateur ne cite pas l’acte aux autres participants au cercle, mais leur demande plutôt ce qu’elles pensent qu’il s’est passé : “quel est l’acte dont tu penses qu’il a motivé ce cercle ?”. Cela permet d'élargir le regard sur le conflit et de mettre d'autres éléments dans le champ.
Rappeler au début la confidentialité de ce qui est dit dans l’avant-cercle : le facilitateur n’est pas là pour transmettre un message aux autres mais pour faciliter la clarification, l’expression, la reconnaissance de ce que l’on a vécu.
Beaucoup de choses se jouent dans l'avant-cercle et peuvent contribuer à rendre le cercle fructueux
- l'expression des ressentis et émotions: les personnes se sentent en sécurité pour exprimer des choses difficiles pour elles relativement à ce qu'il s'est passé. Elles reçoivent ainsi de l'empathie et seront plus solides pour aller “dans le vif du sujet” lorsque le cercle se tiendra avec les autres participants. Autre bénéfice: une fois qu'on est ainsi “déchargé”, on peut y voir plus clair sur ses propres motivations, ses propres enjeux, se les avouer à soi-même, en parler aux autres. (Voir la belle vidéo, en anglais, de Dominic Barter, sur l'empathie)
- La conscientisation et l'expression des attentes, besoins, intentions par rapport au cercle
- La construction de la confiance dans le processus: permettre à des inquiétudes ou des manques de confiance de s'exprimer, à des réponses d'émerger.
- le choix des participants: bien poser la question “de qui as-tu besoin ?” ou “qui est-il nécessaire d'inviter ?” (en cohérence avec ce qui est vécu par les personnes, avec les besoins qu'elle a exprimés). [rq en passant: si des demandes de participants semblent incohérentes avec les besoins exprimés, cela signifie peut-être que des besoins n'ont pas été exprimés –> y revenir]
2. Cercle
Choix du créneau et de la date: il est important que chacun des membres se sentent bien et confortables et que le temps ne presse pas. D'expérience, il vaut mieux prévoir une durée de 3-4 heures, avec une pause au milieu et du temps ensuite pour décompresser (autour d'un verre ou d'un gateau ). Placer donc ce créneau dans un espace-temps “ouvert”, plutôt que coincé entre d'autres événements qui risquent de se décaler l'un vers l'autre.
Choix du lieu et du cadre: créer un cadre agréable où chacun puisse se sentir bien. Penser aussi aux besoins de base (eau, toilettes)
A faire à l’ouverture du cercle
- Tour météo
- Rappeler l'historique (qui a initié, qui a été invité par qui - même si certaines invitations ont dû être annulées)
- Annoncer le déroulement global, et le processus de reformulation qui sera demandé: une reformulation n'est pas nécessairement du mot à mot, même si les mots peuvent être importants. La façon dont nous reformulons doit correspondre à notre perception de ce que l'autre a dit, perception qui peut être au-delà des mots.
- Rappeler la nécessité de commencer par les faits (la première question « Qu’aimeriez vous faire savoir et à qui de ce que vous vivez actuellement en relation avec l’événement et ses conséquences ? » porte là-dessus dans la mesure où elle mentionne “l'événement”)
Quelques précisions à donner:
- Si un participant veut contribuer à la discussion (qui est souvent focalisée sur les deux principaux protagonistes), il fait un petit signe au facilitateur. Mettre en confiance les participants qui ne sont pas “protagonistes” de base pour qu'ils se sentent légitimes pour exprimer quelque chose qui leur paraît nécessaire, autant pour eux-mêmes que pour les autres - et pas seulement pour vérifier la qualité de la reformulation [La matière recueillie pendant les avant-cercles est souvent d'une richesse incroyable].
- Confidentialité de ce qui est échangé dans le cercle (permet à chacun de se sentir à l’aise)
- Possibilité de pauses techniques si besoin (toilettes), avec un signe prévu à l’avance
- Ne pas avoir peur des silences, et ne pas hésiter à prendre le temps de trouver ses mots ou ce que l’on a envie d’exprimer.
- Ne pas brider ses émotions, il vaut mieux exprimer qqch trop brusquement à notre goût que de ne pas l'exprimer pour ça. Le but du cercle est de créer un confort qui rend cela possible et fructueux. Réciproquement, être prêt à accueillir des propos qui peuvent nous mettre en inconfort.
- Si quelqu’un s’exprime trop longuement, la personne qui écoute et le facilitateur ont la possibilité de demander une pause pour une première reformulation et ainsi éviter que trop d’informations soient données en une seule fois
Les étapes :
- Compréhension mutuelle
- Auto-responsabilisation
- Plan d’action “Qu'aimeriez-vous voir se passer prochainement?”
Voir les questions précises dans le Document complet. Il est important quand on n'est pas rodé (ce qui peut prendre beaucoup de cercles) de se tenir proche des questions même si elles paraissent lourdes. Par exemple, une fois que la première personne s'est exprimée longuement. Il est important de ne pas se tourner vers la protagoniste privilégiée en lui disant “souhaites-tu répondre?”: il faut lui poser la même question initiale. Elle peut avoir besoin de s'exprimer d'abord sur autre chose et à une autre personne au lieu de répondre.
Dans les faits, la frontière entre 1 et 2 n'est pas nette.
Avant de passer à la phase 3, il est donc important de poser deux questions récapitulatrices pour vérifier que les phases 1 et 2 ont suffisamment été accomplies:
- Avez-vous l’impression d’avoir été entendu sur ce que vous vouliez exprimer à l’autre par rapport à ce qui s’est passé, à la situation ? Voulez-vous en faire une synthèse ou pas, ou rajouter autre chose ?
- Quelle est votre part de responsabilité dans la situation (qui normalement, à ce stade a été bien parcourue…) ?
Cette deuxième question peut, en fonction du conflit, être posée à tous les participants et pas seulement aux deux protagonistes. Ne pas poser cette question trop tôt dans le processus: le terme de responsabilité est direct et peut être ressenti durement si les personnes n'ont pas encore reçu l'empathie et la reconnaissance dont elles ont besoin. Et même, après réflexion peut-être qu'une formulation plus proche des questions proposées serait mieux adaptée: « Qu’aimeriez vous faire savoir et à qui de ce que vous recherchiez au moment où vous avez choisi d'agir ?».
Tour de clôture: Remercier, rappeler la confidentialité
Rq: Le tour de clôture du cercle est axé sur la façon dont chacun se sent et l'a vécu. Il peut être intéressant de prévoir, d'une façon qui reste à préciser, un feedback à froid sur le processus lui-même, pour permettre son amélioration continue.
3. Après-cercle
Peu d'expérience, et en tout cas aucune dans les règles
Intention: les après-cercles sont un moyen de révéler l'impact qu'a eu un cercle, et donc de valoriser ce processus alors que sans cela, on le juste trop rapidement par son apparente lourdeur et le temps qu'il réclame.
4. Les besoins des facilitateurs
Le facilitateur identifie dès le début du processus un cofacilitateur avec qui il fera “équipe”: il sera présent lors du cercle, offrira au moins un avant-cercle au facilitateur, et sera un soutien tout au long du processus. Le facilitateur pourra se confier à lui en cas de difficulté, de blocage, d'inquiétudes… et pourra le tenir au courant et se nourrir de son regard même en l'absence de difficulté marquée. Ce travail en binôme permet en plus de partager son expérience et de faciliter la prise d'autonomie d'un nouveau facilitateur.
Regarder les nombreuses vidéos de Dominic Barter
Travail personnel pour se connecter à soi-même et aux valeurs de la communauté.
Avant-cercle du facilitateur : que doit-il identifier ?
- Idée fixe au sujet de lui-même (« je ne suis pas assez bon », …)
- Idée fixe au sujet des participants (« un tel est vraiment peu à l’écoute », …)
- Idée fixe au sujet de l’acte (« c’est inexcusable », …)
L’avant-cercle aide à transformer ces idées fixes en une vision plus fluide de la vie. Il permet d'être plus disponible à écouter et être en empathie avec les participants au cercle.Il peut être nécessaire que les autres insistent pour que le facilitateur ait son pré-cercle.(dixit Dominic Barter)
LECTURES
"Le conflit, une énergie renouvelable" par Julien Berlusconi.
Le blog de l'Institut Français pour la Justice Restaurative: L'institut Français pour la Justice Restaurative réunit des chercheurs et des praticiens, experts de la justice restaurative, intervenant quotidiennement aux cotés des professionnels de la chaîne pénale (institution judiciaire, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, associations d’aide aux victimes notamment) pour faciliter le développement et la mise en œuvre de programmes de justice restaurative sur l’ensemble du territoire.
Un article sur les “membres de la communauté”, des acteurs particuliers de la justice restaurative: , des personnes volontaires qui viennent assister à des rencontres détenus-victimes, qui écoutent, donnent de l’empathie, peuvent éventuellement intervenir. Le témoignage de cette personne est riche d’enseignement pour ceux qui se posent des questions sur le rôle des personnes invitées à un cercle restauratif initié autour du conflit entre deux acteurs.